Hommage à Dietrich Bonhoeffer
« Je me suis souvent demandé (...) où est la limite entre la résistance nécessaire contre le ‘destin’ et la soumission, tout aussi nécessaire. (...) Je crois qu’il nous faut entreprendre ce qui est grand et ce qui nous est propre, (...) il nous faut faire face au destin (...) aussi résolument que de nous y soumettre au temps voulu. (...) On ne peut pas déterminer la frontière entre résistance et soumission sur le plan des principes, mais il faut que toutes deux soient là et toutes deux doivent être assumées résolument. La foi exige cette attitude souple et vivante. » Dietrich Bonhoeffer écrivit ces mots à son ami intime Eberhard Bethge, le 21 février 1944.
Pour lui rendre hommage, la Faculté de théologie protestante de Strasbourg a organisé en novembre 2006, sous l’égide de Rémi Gounelle, des « Journées interdisciplinaires », moments de travail entre professeurs et étudiants sur ce thème de Résistance et soumission. Nous avons demandé à quatre théologiens, animateurs de ces journées, de nous livrer leurs réflexions depuis leur champ disciplinaire : comment la philosophie (Daniel Frey), l’éthique (Frédéric Rognon), l’Ancien Testament (Jan Joosten), la théologie pratique (Elisabeth Parmentier) comprennent-ils ce paradoxe marqué du sceau tragique de l’Histoire et en quoi pouvons-nous en tirer aujourd’hui un enseignement ?
Ces lettres de captivité furent, pour Bonhoeffer, « un élixir de vie » lui permettant de supporter les conditions de vie concentrationnaires auxquelles on ne l’avait guère préparé ; pour le lecteur d’aujourd’hui, bien que ces lettres ne nous fussent pas destinées, elles sont un témoignage poignant du « courage d’être » de Dietrich Bonhoeffer. En lui rendant hommage, Foi&Vie ne cherche pas à faire de lui un saint ou même un martyr : ses disciples et parfois ses biographes s’y sont déjà trop employés, alors que la correspondance de Bonhoeffer nous révèle plutôt un esprit prophétique, visionnaire, pourrait-on dire, un aristocrate de la pensée, exigeant avec lui-même au quotidien, et surtout cherchant « à révoquer les fausses évidences de notre monde naturel et trop confortable, (à) faire le deuil de nos accommodements tranquilles, (à) sortir de notre sommeil dogmatique ». (...)
Le génie du christianisme pour Bonhoeffer réside dans le fait qu’il nous fait vivre, à nous hommes, plusieurs vies en une : « J’observe ici régulièrement qu’il y a peu d’hommes capables d’héberger en eux simultanément beaucoup de choses ; quand les avions approchent, ils ne sont que peur ; quand ils ont quelque chose à manger, leur avidité triomphe ; lorsqu’un désir reste inassouvi, ils ne sont que désespérés. (...) En comparaison de cette attitude, le christianisme nous place simultanément dans beaucoup de dimensions différentes de la vie. Nous hébergeons en nous pour ainsi dire Dieu et le monde entier. Dès que, pendant une alerte, nos pensées se tournent vers autre chose que notre propre sécurité, si par exemple nous songeons à notre devoir et à répandre le calme autour de nous, la situation devient tout autre ; la vie devient polyphonique. »
(Extrait du Liminaire d'Annie Noblesse-Rocher)
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