Mission dans la polyphonie orthodoxe
Jusqu’à une date relativement récente, l’orthodoxie était considérée en Occident comme une tradition ecclésiale non missionnaire. Il était communément admis que les grands mouvements missionnaires qui ont marqué si profondément l’Occident chrétien au cours des derniers siècles avaient en quelque sorte contourné le christianisme statique (ou bien anhistorique) oriental. Aujourd’hui, ce point de vue semble avoir perdu de sa force : de nouvelles recherches historiques ont montré que les réalisations orthodoxes dans le domaine de la mission, bien que quelque peu différentes de celles de l’Occident, n’en sont pas moins importantes et même impressionnantes. (...)
Avec le souci de ne pas sous-estimer ni surestimer les tensions internes au sein de l’orthodoxie, les différentes contributions de ce dossier ont pour but de mettre en évidence les expressions pluriformes de l’orthodoxie dans le champ de la mission. Christophe D’Aloisio présente les grandes familles orthodoxes: leurs caractéristiques, les nuances et subtilités dogmatiques qui les séparent. Théologien appartenant lui-même à la tradition orthodoxe, D’Aloisio souligne que les Églises orthodoxes se reconnaissent, malgré les tensions parfois extrêmes qui les animent, comme une Église unie dans la communion de foi et dans l’eucharistie.
Cristian Sonea, théologien orthodoxe roumain, en collaboration avec Paul Siladi, propose une articulation entre liturgie, théosis et mission. Si, pour certains, les deux premiers éléments du trinôme vont de soi en théologie orthodoxe, ce n’est pas toujours vrai du troisième, à savoir la mission. Dans un souci pédagogique, cet article cherche à illustrer le contenu doctrinal (mais aussi le vécu) de la liturgie, de la théosis et de la mission au sein de l’orthodoxie ainsi que leur lien «inhérent».
Ces deux articles de fond offrent une vision d’ensemble du paysage complexe de la polyphonie orthodoxe. Dans un second temps, il nous a paru essentiel de rendre compte de la réalité missionnaire et/ou missionnelle de l’orthodoxie à travers des situations concrètes se rattachant à divers contextes tant historiques que culturels voire géopolitiques. Sous la forme d’un témoignage relatif à l’Église orthodoxe en Géorgie, Tamara Grdzelidze s’est penchée sur la question de l’«agir missionnaire et de la mission en tant que communication dans l’Église orthodoxe». Elle y pose le constat d’un décalage entre l’éthos ecclésial et le style de vie de jeunes adultes, dont le monde technologique constitue l’habitat naturel.
Nathan Hoppe s’est intéressé à la mission en contexte albanais post-communiste. Dans ce petit territoire des Balkans qui entretient une longue histoire avec le christianisme orthodoxe, l’Église orthodoxe, laissée pour morte sous la dictature, renaît littéralement de ses cendres.
Michel Mallèvre, théologien catholique romain, remonte aux origines de la présence missionnaire orthodoxe en Afrique. Une véritable stratégie missionnaire y a vu le jour au cours des dernières décennies, laquelle met l’accent sur la formation et la traduction de la liturgie en langues vernaculaires.
Pour sa part, Nicolas Kazarian esquisse quelques éléments et pointe les paradoxes d’une «vision missionnaire de l’orthodoxie en Amérique du Nord», ainsi que de son développement depuis la fin du 18e siècle sous l’impulsion du synode de l’Église orthodoxe russe. Il relate la genèse de la mission orthodoxe russe en Alaska et décrit l’émergence de communautés de migrants d’origine grecque. (...)
(Extrait du liminaire de Jean Renel Amesfort et Georgiana Huian)
|
Nous avons lu, vu ...
Livre : « Pour lire La lettre de Saint Paul aux Romains » de Chantal Reynier Après un rappel de l’importance théologique de cette lettre qui a déchiré les églises chrétiennes, du milieu et des circonstances historiques de sa p...
Notre revue |