Revue protestante de culture
Esther/Quelle religion au 21e siècle?
Esther/Quelle religion au 21e siècle?
Rares sont les livres bibliques dont le titre est le nom d’une femme. C’est le cas pour le livre d’Esther. En exil avec son peuple, la protagoniste, Esther, devient reine des Perses et sauve Israël, devenant une figure de la résistance du faible face à l’oppression.

 

Comment une minorité peut-elle résister à l’asservissement et à l’assimilation ? Cette question au cœur du livre ouvre deux champs de réflexion, l’un sur l’identité, l’autre sur la résistance. Pour répondre à ces questions fondamentales – hier comme aujourd’hui – ce roman biblique met en scène différentes stratégies possibles de résistance. Celle d’un homme, Mardochée, qui fait face pacifiquement, restant fidèle à lui-même et à son Dieu et refuse ainsi jusqu’au bout de se prosterner face au puissant roi perse. Celle d’Esther, qui considère ses faiblesses comme une force et s’en sert avec ruse, sagesse et intelligence pour convaincre le roi de rétablir la justice. En dernier recours, une troisième voie, celle de la guerre, est finalement choisie pour contrer des assaillants génocidaires que la raison ne semble pas pouvoir arrêter. (...)

 

Ce cahier est une invitation au voyage au cœur de ce livre biblique méconnu et des traditions qui lui sont liées. Trois articles traversent l’ensemble du livre pour proposer autant de portes d’entrées : Jean-Daniel Macchi présente un premier regard d’ensemble sur Esther, en introduisant non seulement au livre lui-même mais aussi aux problèmes qu’il pose à l’exégète. Catherine Vialle aborde ensuite l’ensemble en interrogeant les figures féminines du livre. Marie-Pierre Cournot invite au voyage à travers les fêtes et les banquets qui ponctuent l’ensemble et y explore en particulier la relation entre humains et Dieu qui s’y joue.

 

Quatre ouvertures prennent ensuite le relais pour proposer des approfondissements et des prolongements. Lionel Thébaud se penche sur le Songe de Mardochée, montrant comment les additions grecques donnent à l’ensemble une orientation apocalyptique. Madalina Vartejanu invite à explorer la part comique de ce livre où se déploie une ironie souvent mordante envers les puissants et Constance Luzzati visite l’histoire d’Esther telle qu’elle a été mise en musique par Haendel. Enfin, David Veldhuizen propose une approche sensorielle d’Esther à partir d’une expérience de lecture augmentée menée en Ehpad.

 

À travers l’ensemble des articles et ouvertures qui composent ce cahier biblique, notre souhait est que chaque lecteur, chaque lectrice, se sente invité à la lecture d’Esther et à la (re)découverte de son univers foisonnant, et véritablement passionnant.

 

(Extraits du liminaire d'Elena Di Pede et Charlotte Brosse-Barral)

 

 
En 2008, pour contrer les publicités évangéliques sur les bus londoniens, la comédienne Ariane Sherine lance une souscription afin de financer une campagne athée. Les fonds recueillis permettent de faire circuler les célèbres bus rouges début 2009 avec le slogan « There’s probably no God. Now stop worrying and enjoy your life » (Il n’y a probablement pas de Dieu. Alors arrête de t’inquiéter et profite de ta vie).

 

L’intéressant est le « probably » qui a été très discuté mais l’a emporté (le célèbre athéiste Richard Dawkins était pour une version un peu plus radicale : « almost certainly », presque certainement). Même si l’argument se voulait scientifique (on ne peut pas prouver l’inexistence de Dieu), ce probably a une sonorité très 21e siècle, époque où même les athées convaincus ... ne le sont pas tant que ça. (...)

 

Interrogation de la fin du 20e siècle, quand la célèbre phrase de Malraux pouvait sembler provocatrice, l’avenir de la religion ne fait plus trop débat en ce début de 21e siècle : comme le sparadrap du capitaine Haddock, cette religion est d’autant plus tenace que l’on pensait s’en être débarrassé définitivement avec le progrès et la sécularisation. Mais la sécularisation s’est radicalisée et a tué le progrès auquel plus grand monde ne croit, encore moins après deux années de pandémie. La question n’est donc plus de savoir si la religion survivra ou si le 21e siècle sera spirituel ou religieux (il l’est mais il n’est pas que ça) que de savoir de quelle religion ou spiritualité il s’agit maintenant.

 

Cela tombe bien, Jean-Paul Willaime vient de publier cette année avec Philippe Portier une large synthèse sur La religion dans la France contemporaine (...). Il a bien voulu répondre à nos questions dans un riche entretien (...). Le grand intérêt des recherches et des réflexions de Jean-Paul Willaime est pour nous que, partant du protestantisme (son grand travail de début de carrière fut la vaste étude sur les pasteurs), elles vont bien au delà grâce à son talent de passeur à l’affût de toutes les nouveautés et remises en question dans le champ religieux international et parmi celles et ceux qui l’étudient.

 

Cinq compléments suivent cet entretien. Dans le premier, Frédéric de Coninck (...) fait le parallèle entre nos multiples et contradictoires croyances sectorielles d’aujourd’hui et l’idolâtrie antique (telle que combattue par les prophètes du judaïsme biblique) avec ses dieux fonctionnels et rivaux.

 

Poursuivant son examen de ce que la technologie numérique fait à notre christianisme, Antonin Ficatier (...) entreprend de décrire « l’échafaudage encore vacillant » que pourrait être une théologie des réseaux sociaux, déjà bien entamée dans le monde anglo-saxon.

 

C’est dans ce monde anglo-saxon qu’a travaillé le sociologue britannique Matthew Wood dont Labor et Fides vient de sortir la traduction d’un recueil, Spiritualité et pouvoir. Des groupes New Age aux Églises migrantes méthodistes, il s’agit de réfléchir à ce qui se passe dans le religieux et de comment l’analyser sérieusement.

 

Enfin, nous partons du riche champ d’expérimentation catalan pour regarder ce que devient la religion à Barcelone (...). La directrice de ce précieux collectif de sociologues des religions, Mar Griera, a bien voulu elle aussi répondre à nos questions et éclairer notre approche extérieure par son point de vue au plus près du terrain. Un terrain (...) qui l’amène justement à mettre l’accent sur une religion qui, de la diversification rapide due aux migrations à la la distinction croissante entre croyance et appartenance et à l’essor des spiritualités thérapeutiques, certes ne disparaît pas mais se transforme.

 

(Extraits du liminaire de Jean de Saint Blanquat)