Revue protestante de culture
Humanités numériques
Humanités numériques
Depuis plusieurs années, les humanités numériques occupent le devant de la scène académique et suscitent la curiosité du grand public. Ce concept (...)  s’invite également au sein de l’étude de la Bible (...). Il nous semble donc à propos qu’un numéro des Cahiers bibliques se penche sur les humanités numériques et ce qu’elles entraînent en terme de pratique de lecture et d’écriture, d’autant plus que la crise sanitaire récente a renforcé nos usages des (voire même notre dépendance aux) technologies numériques.

 

(...) La définition des humanités numériques est encore en train d’être écrite et travaillée aujourd’hui, non sans tensions. Il est intéressant de souligner que la naissance de ce champ est souvent mise en lien avec celui de la théologie, puisqu’on considère communément que la première pierre à l’édifice fut l’initiative du jésuite Roberto Busa qui, en 1949, rencontra Thomas J. Watson, le fondateur d’IBM, afin d’obtenir de l’aide pour établir une concordance de l’œuvre complète de Thomas d’Aquin, l’Index Thomisticus.

 

Les humanités numériques cherchent à intégrer aux sciences humaines et sociales des outils et des méthodes informatiques existants, ou à en inventer. Cela passe par l’application de technologies telles que l’analyse de textes, d’images ou encore de réseaux mais également par la création de corpus permettant cette analyse, d’où l’importance de la numérisation des sources, par exemple. De plus, les humanités numériques concernent également l’étude de nouveaux objets ainsi que de nouvelles pratiques liées au numérique, des changements particulièrement importants depuis la généralisation des ordinateurs personnels (suivis par les smartphones) et l’essor du web. Ces différents aspects que recouvrent les humanités numériques sont présents dans ce numéro.

 

Ce premier Cahier biblique, numérique lui aussi, s’articule autour de trois grands axes.

 

En premier, il propose une réflexion sur l’éthique et les grandes orientations des humanités numériques, avec trois contributions écrites et un eTalk.

 

L’article de Claire Clivaz s’interroge sur la perception du Nouveau Testament une fois celui-ci numérisé, dans une mise en perspective avec la première édition du Nouveau Testament d’Érasme. En lien avec cet article de Claire Clivaz, nous vous proposons également de découvrir un nouveau format. Il s’agit d’un eTalk proposé par Claire Clivaz également, qui développe avec plus de détail son projet de travail sur la finale de l’évangile de Marc (MARK 16). Cet eTalk est consultable à travers ce lien. Il a été spécialement traduit pour le Cahier Biblique et permet de concrètement montrer les potentialités nouvelles d’une édition numérique.

 

L’ouverture d’Ezekiel Kwetchi Takam questionne notre rapport à la machine quand celle-ci prend des traits humains et la fascination qu’elle exerce, à l’aide de plusieurs œuvres cinématographiques.

 

Quant à l’ouverture de Lionel Thébaud, en dialogue avec les écrits de Jacques Ellul, elle rappelle la nécessité de remettre en question notre rapport aux nouvelles technologies, et de penser à ce que nous espérons accomplir à travers les humanités numériques, et à quel prix.

 

Le deuxième axe illustre que l’histoire des humanités numériques est liée à une volonté d’accessibilité et d’inclusivité, à l’envie d’être une communauté sans frontières, promouvant le travail collaboratif ou encore le multilinguisme. Dans cette optique, le Cahier biblique présente plusieurs outils et ressources numériques utiles pour l’étude du monde biblique compris dans son sens large.

 

L’article de Garrick Allen s’intéresse aux apports du numérique à la recherche sur les manuscrits du Nouveau Testament. Il y présente notamment en détail la New Testament Virtual Manuscript Room, un espace de travail collaboratif géré par l’Institut pour la recherche du Nouveau Testament, à Münster, qui édite le Nestle-Aland, l’ouvrage de référence pour le texte grec du Nouveau Testament.

 

L’ouverture de Sara Schulthess à propos des manuscrits arabes du Nouveau Testament participe également à ce souhait de partage de connaissances sans frontières.

 

Dominique Charpin présente un outil qui met à disposition de tout le monde des documents importants pour mieux comprendre le monde babylonien, la plateforme Archibab.

 

Finalement, le troisième axe se concentre sur les interactions entre le numérique et le monde ecclésial, en partie redéfinies par la crise du coronavirus.

 

Antonin Ficatier développe une réflexion de théologie pratique sur les changements que le numérique occasionne dans les églises, en proposant la notion de presentia comme mode de présence des Églises hybrides (en ligne et en présence).

 

L’ouverture de David Veldhuizen et Guy Balestier revient sur des exemples pratiques liés à l’utilisation de nouvelles technologies dans le culte, en insistant sur les avantages et parfois aussi les désavantages de ces nouvelles pratiques.

 

Nous vous souhaitons une bonne découverte de cet univers, et nous sommes heureux d’inaugurer cette nouvelle phase de l’histoire du Cahier biblique en nous plongeant dans un domaine en pleine évolution !

 

(Extraits du liminaire de Valérie Nicolet et Sara Schulthess)