Revue protestante de culture
Poésie et expression protestante de la foi
Poésie et expression protestante de la foi
Devenez poètes de la Parole !

 

Telle est l’injonction de Jacques, adressée à tout chrétien : s’inspirer d’une pensée qui se revêt de mots, comme une intuition venant de Dieu, et qui, comme elle est de nature spirituelle, est aussi une énergie créatrice, indissociable de l’action.

Luther a répondu à cette injonction, lui qui, lisant un verset, a fondé une Église et soufflé le style vertigineux d’une nouvelle théologie. Après lui, les poètes de la Réforme représentent le drame sans cesse recommencé de l’homme devant le péché, à travers des œuvres que les chercheurs découvrent aujourd’hui dans leur spécificité littéraire protestante, avec les ressorts particuliers de leurs visions tendues et inspirées. Alors notamment, un étrange mystique du XVIIe siècle, Jean de Labadie, régénère la vie de sa communauté avec les accents de psaumes érotiques exaltés où la femme fait advenir la vérité, et aussi avec la poésie des voix mêlées de la prière structurant la sonorité d’une communion des Saints.

De nos jours, autrement, des croyants percevant que « Dieu se lève dans le langage » aspirent toujours à lui répondre par un culte d’une dense et calme beauté poétique. Ils mettent les assemblées, les docteurs, les pasteurs, au défi de révéler cette Présence dans la langue des hommes. Ils s’insurgent, même, et ne renoncent pas à chercher des mots et des modulations, quand la parole liturgique ne résonne pas des infimes vibrations du silence pour le tisser de substance spirituelle.

Dans les œuvres des poètes en relation plus ou moins étroite avec le protestantisme, auxquels nous nous sommes intéressés sans aucune intention d’annexion ni d’ailleurs d’exclusive, il est possible d’entendre toutes les déclinaisons d’une soif et d’une recherche d’infini. Philippe Jaccottet exprime les sensations d’une transcendance sans Nom, tandis que Nicolas Dieterlé explore un parcours chrétien sans nécessaire confession. Jacques Ellul, pour sa part profère sa diction mystique dans la réappropriation assez nettement protestante de l’Apocalypse ou de l’Ecclésiaste.

Pour les croyants, la fréquentation des poètes réalise dans tous les cas le partage d’une vibration originale, dans un échange expérimental de langage entre Dieu et chaque être humain. Elle est indispensable pour faire résonner en soi un écho strictement personnel ou une attestation jaillissante de la foi.

Jacqueline Assaël