Revue protestante de culture
Protestantisme et art contemporain
Protestantisme et art contemporain

Ce numéro, qui traite de la capacité du protestantisme non seulement d’accueillir, mais aussi de produire de l’art contemporain, comprendra cinq thématiques :

1. Tout d’abord une réflexion qui articulera l’esthétique contemporaine de la non représentation à la théologie biblique. Dans l’art contemporain le mot « iconoclasme » (...) est devenu un mot positif, porteur de toutes les potentialités créatrices. Face à ce changement radical de paramètre esthétique (...), l’iconophobie protestante traditionnelle possède, on s’en doute, un avantage herméneutique considérable sur les autres traditions chrétiennes de l’image (le catholicisme, l’orthodoxie) : pas de tradition de ce que doit être une image chrétienne, donc pas d’a priori, donc une ouverture totale à la créativité et à l’inventivité des matériaux, des formes et des thèmes.


2. La seconde partie se concentrera sur le Récup’art d’Ambroise Monod. L’artiste autodidacte – qui est aussi théologien – a en effet inventé son concept artistique dans les années 1968 dans l’ambiance de la faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg, et dans le cadre de son travail comme aumônier des étudiants protestants. (...)

3. Qu’en est-il de l’utilisation ou de la fabrication d’un « art d’aujourd’hui » dans les communautés protestantes actuelles ? Les temples protestants, autrefois plutôt quelconques, voire franchement laids, sont devenus de véritables objets de création esthétique. Ils doivent être aujourd’hui non seulement adaptés au culte, écologiques et économiques, mais aussi esthétiquement beaux, signaux à l’extérieur, cocons à l’intérieur. (...)

4. (...) Nous avons ensuite laissé quatre artistes s’exprimer à propos de leurs oeuvres et de leur foi : Sylvie Tschiember (Quimper), Bernard Bouton (Paris), Claude Klimsza (Roubaix) et Corinne Ungerer (Strasbourg) ; quatre artistes qui sont également engagés comme chrétiens convaincus dans des communautés protestantes (...). Cet exercice est pourtant périlleux. Le risque est grand en effet – le christianisme n’y a pas échappé dans les siècles passés – de soumettre l’art à des impératifs de foi, de survaloriser les qualités esthétiques d’un artiste sous prétexte qu’il est protestant et croyant. (...)

5. À un certain moment, un état de la recherche sur notre problématique, mais aussi sur la production artistique en contexte protestant (et plus largement chrétien, tant il est vrai qu’à l’époque de l’œcuménisme, les lignes confessionnelles s’avèrent souvent peu pertinentes) s’imposait. Nous avons choisi de terminer en présentant, sous forme d’une bibliographie et d’une sitographie commentées, l’évolution et la production de vingt années de recherche dans ce domaine, qui fasse ressortir les problématiques et les enjeux. Le réseau d’artistes, d’acteurs artistiques et de théologiens de Protestantisme & Images joue à cet égard un rôle essentiel comme stimulateur de projets, lieu de débats, organisateur d’exposition et de rencontres entre artistes. De même que la faculté de théologie protestante de l’université de Strasbourg, qui n’a pas hésité à accepter comme dominante de l’un des postes de la théologie pratique le dialogue avec les arts et les artistes. Depuis les essais esthétiques d’Ambroise Monod à l’ombre du palais universitaire de Strasbourg, dans les tumultueuses années 1968, la boucle est ainsi bouclée.

(Extrait du Liminaire de Jérôme Cottin)