Juifs, chrétiens : regards croisés sur une histoire commune
Ce nouveau Cahiers d'études juives (...) concerne cette fois en particulier, directement ou indirectement, les relations entre Juifs et chrétiens. Sur ces relations, il convient d'avoir d'abord une solide information historique, tant la mémoire chrétienne, notamment, a besoin d'être épurée.
L'article de Bertram Eugene Schwarzbach traite savamment, mais vigoureusement, une question cruciale, celle du rôle des Lumières du XVIIIe siècle dans le recul (ou la persistance) de l'antisémitisme de l'Europe moderne. L'historien tend à corriger certaines thèses qui mettent en cause les ténors des Lumières comme vecteurs d'un mépris continu des Juifs, et il montre dans quelle mesure on peut diagnostiquer une transformation positive de l'image des Juifs, non pas tant en milieu chrétien gue dans des secteurs laïques et hétérodoxes. À l'autre extrémité de notre numéro et de l'histoire moderne et contemporaine, tout près de nous, et en prenant cette fois comme objet d'analyse et de réflexion des milieux chrétiens, Alain Massini étudie la genèse du texte « Église et Israël » (2001) de la communion ecclésiale dite de Leuenberg, qui rassemble un grand nombre d'églises européennes « historiques », il indique à partir de là les enjeux de ce texte pour le regard chrétien sur le judaïsme, et explique les raisons de l'accueil mitigé que ce texte a reçu en France.
Le philosophe Edouard Robberechts propose une contribution d'inspiration phénoménologique sur la haine (...) et il explicite les enjeux de ce sentiment ambivalent (la haine naît entre frères) à la lumière d'une exégèse de l'épisode biblique de Caïn et Abel, pour montrer comment la fraternité est un combat (s'agit-il d'accaparer, ou de maîtriser l'héritage ?) plus qu'une donnée. Outre son intérêt intrinsèque et universel, cette analyse porte évidemment sur un épisode que l'on peut lire aussi comme une métaphore des relations historiques entre chrétiens et Juifs.
Marc de Launay est également philosophe. Il montre comment l'herméneutique pratique navigue entre allégorisme et littéralisme (...). Il en donne un exemple avec le début de la Genèse et la question de la traduction du nom d'Adam, entre nom commun et nom propre, et il conduit ainsi la réflexion vers la nature du langage. Celui-ci permet d'échapper aux données du passé et du présent, en ouvrant un avenu.
Ainsi, que nos lecteurs entament leur lecture de ce Cahier dans l'ordre des articles, ou dans celui de leurs intérêts personnels, ils retrouveront partout au centre de ce numéro, entre les faits historiques, plus ou moins proches, que l'on peut mieux connaître, et les jeux du sens qu'autorise la lecture interprétative de la Bible, des pensées séminales capables, nous l'espérons, d'éclairer, grâce à une connaissance du judaïsme, de son histoire et de ses valeurs, les regards croisés des chrétiens et des Juifs sur leur histoire commune, et d'enraciner dans le texte de la Torah une fraternité bien comprise.
(Extrait du Liminaire d'Olivier Millet)
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