Quand les protestants prennent la mer
Les protestants ont nourri une relation singulière à la mer : au cours de leur Histoire (souvent tempétueuse), ils ont su défier cet ennemi redoutable.
À défaut de « places-sûres » à terre, ils ont emprunté les voies maritimes comme des Refuges mouvants, les transformant en routes de commerce, comme s’ils prenaient à bras-le-corps ce que Victor Hugo considérait, dans Les Travailleurs de la mer, comme le triple destin de l’homme : « La religion, la société, la nature ; telles sont les trois luttes de l’homme. Ces trois luttes sont en même temps ses trois besoins ; il faut qu’il croie, de là le temple ; il faut qu’il crée, de là la cité ; il faut qu’il vive, de là la charrue et le navire. La mystérieuse difficulté de la vie sort de toutes les trois ». Les océans devinrent des temples indestructibles, une nouvelle théologie ouvrit la voie aux corsaires et flibustiers, celle d’un nouveau monde à fonder ; un pacte social, inédit, s’écrivit dans l’étrave des navires de commerce et de courses, jusqu’au Nouveau Monde. Les ports aussi, bâtiments immobiles, formèrent un filet de négoces à visée diplomatique, mettant en exergue des terres méconnues et austères comme la Norvège ou le Danemark au Grand Siècle, tissé par de nouvelles « solidarités de religion ». Dans cette histoire maritime, les îles réelles ou imaginaires, comme l’Oléron du poète Mage de Fiefmelin, furent par excellence des lieux d’utopie : on s’y retirait et c’était un testament politique, on y écrivait et c’était une Église qui se dressait. C’est à cette aventure maritime que vous convie ce numéro de Foi&Vie.
Annie Noblesse-Rocher
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